Haïti : le système de santé à l’agonie, MSF contrainte de fermer plusieurs centres.
Port-au-Prince, Haïti, 17 Avril 2025.-Alors que la capitale haïtienne s’enfonce dans une spirale de violence sans précédent, Médecins Sans Frontières (MSF) lance un cri d’alarme. L’organisation humanitaire annonce la fermeture temporaire de ses établissements à Turgeau et à Carrefour, paralysés par une insécurité galopante qui compromet sérieusement l’accès aux soins.
Lors d’un point de presse organisé à Pétion-Ville, les responsables de MSF ont dressé un tableau sombre de la situation. « Plus de 60 % des structures de santé à Port-au-Prince sont aujourd’hui hors service », a affirmé Mumuza Muhindo, chef de mission. Il a notamment relaté le cas poignant d’une femme touchée par balle qui n’a pu accéder aux soins qu’au lendemain de sa blessure, les combats dans la zone de Clercine empêchant toute évacuation rapide.
Ses collègues, Benoît Vasseur et Diana Manilla Arroyo, ont renchéri sur la gravité du contexte. « Nos équipes et nos patients sont exposés chaque jour à des risques extrêmes. Nous ne pouvons continuer à opérer sans garanties de sécurité. Malheureusement, nous ne croyons plus aux engagements des autorités », a déclaré Vasseur, manifestement découragé.
Malgré la fermeture de certains sites, MSF poursuit ses efforts dans plusieurs quartiers à haut risque, tels que Tabarre, Cité Soleil et Pran Menm, avec l’appui de cliniques mobiles. Entre septembre 2024 et février 2025, plus de 72 000 consultations ont été effectuées, dont environ 5 000 liées à des violences sexuelles ou sexistes.
Diana Manilla Arroyo a insisté sur la détresse particulière des femmes. « Elles subissent de plein fouet cette crise, tant sur le plan physique que psychologique. Les violences sexuelles sont devenues une arme de terreur », a-t-elle confié.
À cela s’ajoute la recrudescence des maladies hydriques, symptomatique de l’effondrement des services publics. À l’hôpital Drouillard, dans la commune de Cité Soleil, les cas explosent : 117 en janvier, 177 en février. Cinquante d’entre eux, dans un état critique, ont dû être transférés d’urgence vers un centre spécialisé à Fontaine.
Malgré le chaos ambiant, MSF demeure un acteur médical incontournable en Haïti, s’appuyant sur plus de 3 000 collaborateurs haïtiens. En dix jours, 314 victimes de violences armées ont été soignées, dont 90 dans un état grave. À Delmas, Tabarre et dans d’autres zones encore accessibles, l’organisation continue de prodiguer gratuitement des soins essentiels.
Face à un système sanitaire en ruine et à une crise multidimensionnelle, MSF reste l’un des rares remparts pour des milliers d’Haïtiens livrés à eux-mêmes.
Bitoss FRANÇOIS
Média Legliz La
